« La France a peur »: 45ème anniversaire d’une phrase tristement célèbre. 

Ces quatre mots, prononcés par Roger Gicquel, en ouverture du journal de 20h, de TF1, du 18 février 1976, méritent qu’on s’y attarde.

Ne vous rappellent-ils pas, par leur tonalité, leur solennité, l’intervention de notre Président de la République, Emmanuel Macron, annonçant le premier confinement. 

Remplacez « La France a peur » par « Nous sommes en guerre »! Voilà, nous y sommes.

L’EXTRAIT
Regardez ici:
https://m.ina.fr/video/CAA87014358/roger-gicquel-et-l-affaire-patrick-henry-la-france-a-peur-video.html

LE DECRYPTAGE

1- Les codes d’une prise de parole réussie 
– La construction: une phrase, courte, sèche, en quatre mots.
– Le tempo: solennel et pesant.
– Le débit: lent avec des silences entretenus qui maintiennent l’attention.
– La mécanique narrative: la répétition de cette phrase (5 fois en 1h45), pour accentuer son impact.
– La mise en scène: la posture sobre, voire austère, du présentateur recroquevillé, accentuée par le poids de l’image. (Ne dit-on pas que l’on entend aussi avec les yeux?)

2- Quand le fond et la forme font mouche
Ici, les deux se conjuguent pour renforcer l’impact des propos.
Le regard maîtrisé et la voix déterminée œuvrent de conserve pour faire du contenant le catalyseur du contenu.
Dans cet extrait de 1976, il s’agit de l’affaire de l’enlèvement de cet enfant par Patrick Henry.

3- Au-delà du fait divers, les ressorts du média-training
Que faut-il retenir de cet extrait tristement célèbre de la mémoire de la télévision?
Quelques clefs que je transmets à celles et ceux que je coache.

a) C’est en maîtrisant sa voix que l’on trouve sa voie.
Chacun et chacune trouvera la sienne avec un peu d’exercice.
Quelques courtes séances suffisent.

b) Le regard caméra, ça s’apprend.
Que font les dirigeants aujourd’hui lorsqu’ils organisent des prises de parole en digital?
La même chose que Roger Gicquel.
Ils s’adressent à une caméra.
Un objet froid par excellence, qui a remplacé l’assistance physique dans la salle, avec ses regards amis et sourires complices.
Cela ne s’improvise pas.
Pour moi qui suis habitué à la caméra et au direct, je m’efforce de transmettre à ceux que j’accompagne, une certaine aisance et sérénité.

c) L’émotion, ça se travaille
Si vous regardez bien l’extrait de l’INA, Roger Gicquel ne sourit pas (et pour cause). Il est ferme. Mais s’il apparaît fermé, il n’en demeure pas moins humain.
Avec sa voix, sa posture, son regard, les mots qu’il prononce nous touchent.

Non, 45 ans plus tard, rien n’a changé.
Il y a toujours, pour parodier une formule célèbre du magazine Paris Match:
« Le poids des mots. Le choc des propos. »